La découverte d’Air-Bel par les membres du CAS

63 avenue Lombard 1945, Collection privée © M. Wuillequey

 

 

Octobre 1940.

Les conditions de vie à Marseille étaient éprouvantes pour l’équipe du Centre américain de secours. Les rendez-vous sans arrêts, les entretiens et les lourdes démarches administratives rendaient plus ardue la tâche. La liste des 200 personnalités à sauver s’allongeait, et vue la situation désespérée, la mission de Fry s’étendait bien au-delà des 3 semaines prévues par le Emergency Rescue Committee à New York.

Une terrible crise de logement sévit à Marseille. Les gens du CAS ont été contraints d’adopter les solutions de fortune, les plus souvent dans la saleté et la cherté, c’est à dire, en investissant des pensions de famille et des hôtels pouilleux et hors de prix du centre ville. Pour le couple Théo et Daniel Bénédite la présence de leur fils Peterkin, agé de 2 ans et demi, aggravait le manque d’espace et d’hygiène .

Dans un rare moment de repos, Théo, Miriam Davenport, Mary Jane Gold et Jean Gemähling décident de prospecter la banlieue dans le but de trouver une location plus convenable et moins chère.

La ligne 14 du tramway de la gare de Noailles les emmènent à travers le tunnel de la Plaine sur le boulevard Chave passant par la Blancarde puis en longeant le cimetière Saint Pierre. Les maisons s’espacent et révèlent petit à petit une ambiance de campagne , Saint Jean du désert, la Pomme…

Le long du tram, Mary Jane Gold repère un café où une offre de location, par exemple, s’afficherait ou par le biais d’une conversation, une information se partagerait . L’équipée descend au prochain arrêt et revient sur ses pas en longeant la voie ferrée Marseille-Toulon, parallèle à l’avenue Lombard.

The Emergency Rescue Committee (CAS) discovers Air Bel

October 1940. Uncomfortable living conditions in Marseille had reached crisis proportions for Fry’s team, endless interviews with candidates for exil and administrative hassels made hard work even harder. The list of 200 people to be saved had grown longer. The situation was so acutely desperate that Fry’s mission of 3 weeks had to be extended…indefinitely.

Marseille city center, in the midst of a housing crisis, offered nothing but the most dismal and expensive lodgings – gloomy boarding houses and bug-ridden hotels. Theo and Danny Benedite did not want their baby son Peterkin exposed to the lack of space and insalubrious living conditions.

Taking a rare break from work, Theo, Miriam Davenport, Mary Jayne Gold and Jean Gemähling decided to look around for a more decent and less expensive rental in the outskirts of the city.

At Noailles Tram Station in the center of the city, they caught the « 14 »… The stops whizzed by …through the Plaine tunnel on Boulevard Chave, then the Blancarde along Saint Pierre cemetery. Finally, « Saint Jean du désert, la Pomme, » with its broadly spaced private homes and low green hills. A stark contrast with the urban blight of their surroundings. During the ride,Mary Jayne Gold spotted a café and suggested getting off to ask about rentals. Perhaps someone had tacked up an offer on a bulletin board ? Thus did the four friends leave Tram 14 and walk back a few paces, on the Jean Lombard Avenue along the Marseille-Toulon railroad tracks.

Le pont du 63 av. Lombard

Passage du 63 avenue Lombard , source dessin Sylvain Pons ENSA Marseille

 

Un passage sous voie attire l’attention de Miriam Davenport .« Air-Bel propriété privée». Le nom l’intrigue car son hôtel marseillais, « Bel Air » est un vrai « sac à puces » et le domaine qui se déploie devant ses yeux semble tout le contraire. Le groupe franchit le passage et découvre une très longue allée de platanes partageant un ensemble de prairies, vergers et cultures maraichères. Sous le charme de cette atmosphère si paisible, ils s’ avancent sous l’allée ombragée. Au bout, sur la gauche, un vieil homme, le docteur Thumin, bine la terre. Le groupe se présente, formule leur voeu de louer la Villa, et rencontre un refus revêche du jardinier maugréant que la propriété était privée et qu’ils n’avaient rien à faire là. Toutefois, Mary Jane Gold, ne se décourage pas. Elle met en avant sa nationalité américaine. « Ah ! Mais ça change tout ! » le vieux Thumin s’exclame en entendant le mot magique « américaine. » Il se retourne et jète un regard sur Jean Gemähling et les 3 filles. « Nous sommes américaines, » reprend Miss Gold « et nous cherchons à louer dans le quartier. Cette maison là haut n’est pas à louer ? » Elle désigne la Bastide à moitié cachée par un alignement de platanes. « Non, » rétorque- t- il, « et si c’était le cas je la louerai très cher. » Mais, l’insistance et l’aspect avenant des étrangères convainc Thumin de faire visiter sa propriété, Air Bel.

 

As they headed towards the café, Miriam Davenport noticed a sign « Air Bel propriété privée, » which intrigued her as it was the reverse of her fleabag, « Pension Bel-Air » in Marseille. In fact, the commodious Villa had everything her hotel room lacked. The friends crossed over the tracks and onto a long tree-lined (plane trees) road carving up open fields, orchards and vegetable gardens. Charmed by the peace and quiet of the surroundings, they strolled up the shady road ending on the left at an old rambling house where the proprietor, an elderly gentleman, Dr. Thumin, was hoeing the grounds. Jean, Miriam, Mary Jayne and Theo introduced themselves, stated their wish to rent the house and received a curt reply of …this is private property, not up for rent, and, please leave at once ! However, Mary Jayne, undiscouraged, revealed her nationality, and at the magic word « American » , Dr. Thumin’s entire expression completely changed; « Ah ! American… that makes all the difference ! » He said (in French), « sizing up » the three young women and Jean Gemähling. « Yes, we are Americans, » Miss Gold repeated, « and we are looking for something to rent in the neighborhood. Is this house up for rent ? » She pointed to the VillaAir-Bel half hidden behind the plane trees. But the Doctor persisted, « No, and even if it were, it would be very expensive. » The four friends however, persuaded Thumin to show them around the property.

 

 

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Le chemin des cèdres menant au parc de la Villa Air-Bel, source dessin Sylvain Pons ENSA Marseille

 

 

 

 

Pour y accéder, un raccourci un peu raide longeait le mur ouest de clôture et le chemin étroit dépassait un grand réservoir d’eau destiné à l’arrosage des cultures. Un dernier effort et le groupe arrive sur une petite esplanade permettant l’accès à la voie carrossable bordée d’une haie de type Laurier Tin et 5 majestueux cèdres. En face, il voit une petite maison ressemblant à un logement de fonction pour le palefrenier et un abri pour le cheval et le boggie. Sur la droite, le mur cède la place à un portail en fer forgé et un portillon de bois. Le regard se porte vers le parc et le pignon ouest de la Bastide Air-Bel quelque peu défraichie à cause d’un voile de lierre envahissant. Le propriétaire, Balthazar Thumin, réapparaît en portant un énorme trousseau de clés dont une correspond à la serrure du portillon qui peine à s’ouvrir.

Le groupe gagne la terrasse supérieure en graviers. À gauche, un mur de soutènement et un alignement de platanes avec puits et citerne enterrée. En face, le profil de la bâtisse aux versants de toiture asymétrique. À droite, une haie qui protège et sépare les terrasses supérieure et inférieure.

 

 

 

 

 

They took a steep short cut as they went along the wall west of the fence and the narrow path that led beyond the reservoir used to irrigate the vegetable gardens in the fields. One final effort, they caught their breath and voilà ! They were there ! A not particularly grand esplanade accessed a driveway lined with laurel shrubbery and 5 majestic cedar trees. On the opposite side, there was a small house – the living quarters for a stable master and a stall for the horse and buggy ? They gazed out at the park and the west wing of the Villa Air Bel, which seemed somewhat neglected and overrun by straggly ivy. The elderly doctor, Balthazar Thumin, suddenly reappeared brandishing an enormous key ring. He finally located the key to a very squeaky door.

 

The group moved up to the graveled higher terrace, to the left, lay a retaining wall and a row of plane trees with a well and a water tank. In that area , they got a side view of the Villa with its asymmetrical roof. At the right, they became aware of a hedge bordering and separating the higher terrace from the lower.)

 

 

pano huveaune

Panorama actuel sur la vallée de l’huveane jusqu’à la mer, source photo A.Guyot

 

En avançant vers le belvédère, la vallée de l’Huveaune se découvre avec sa prairie et la ligne de chemin de fer, au delà le Mont Saint Cyr et la chaine de Marseilleveyre plongeant jusqu’à la mer au loin. Au pied du belvédère, l’escalier de pierre à double volée mène au bassin, son jet d’eau et ses allées de buis à la manière des jardins à la française.

En faisant demi tour, La Villa Air-Bel dresse sa façade sud sur 3 niveaux et 5 ouvertures encadrée par 2 immenses platanes. Une cour sépare la maison d’une grande serre.

Après la visite intérieure, le groupe est enchanté et discute l’attribution des 18 pièces .

Le marché est finalement conclu à très bon compte. L’installation est effective le dimanche suivant…

The belvedere at the foot of the open field revealed successively the Huveaune valley, the railroad beyond the Mont Saint Cyr and the Marseilleveyre mountain chains plunging into the sea. At the bottom of the belvedere, a double flight stairway led to the pond, its water jet, and its pathways of shrubs cut « à la française. »

Turning away from the belvedere, the Villa’s facade appears with its 3 levels and 5 openings bordered by 2 enormous plane trees. A courtyard separated the house and a large green house.

The four friends seemed delighted by this « find » and started debating who gets which room

The deal was sealed. The move-in was set the following sunday

Posted on by airbel in Le domaine